Savoir écouter
- Severine Bourguignon
- 4 mai
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 7 mai

Comment passer à côté de l'autre sans même s'en rendre compte ?
Dans le métro parisien, deux hommes bavardent. L'un des deux est étranger, il vient rendre visite à l’autre homme. Pour mieux se comprendre, ils détachent les mots, parlent plus lentement et assez fort. Leurs échanges portent principalement sur le séjour, avec les visites de l'un et les impératifs de l'autre en raison d'un problème de santé.
L'hôte a à cœur de rendre la visite parisienne de son ami agréable (demain on va à tel endroit / Je vais contacter telle personne pour venir avec toi à tel autre endroit). L’organisation ne se déroule pas comme prévu à cause de sa santé (Je ne t’accompagnerais pas dans le musée mais je viendrai prendre au café avant avec toi, déjà le café ce sera beaucoup / En plus de la douleur, ça faisait déjà 3-4 jours avant que tu arrives que je me sentais déprimé et nauséeux).
Nous sortons du métro et mon fils qui m’accompagnait me fait remarquer que l’homme français n'était pas très agréable. C'est le ton plus que le contenu qui l'a marqué. Il le trouvait agressif, répondant sèchement. Je lui demande alors s’il a entendu qu'il avait mal ? Non pas vraiment. Mon fils a récemment été blessé à la jambe. Comment aurait-il réagi lui si, à ce moment-là, il avait eu des tas de propositions d'activités super avec ses amis auxquelles il aurait dû renoncer à cause de sa blessure. « J'aurais été frustré, j'aurais eu le seum. Comme lui. » me répond-il. Oui, c'est une première hypothèse.
Je lui explique qu'au-delà de la probable frustration, il y a aussi l'irritabilité, la nausée et les symptômes dépressifs de l'homme qui donnent des indices sur son niveau de douleur et l’atteinte que cela a sur sa santé physique comme psychique. L’état d’une personne peut vite se dégrader, ici on sait que cela fait environ une semaine que l’homme vit avec ce niveau de douleur.
Et y a peut-être autre chose, quelque chose de plus subtil qui se passait entre les deux hommes, causé par le manque d’écoute de l’ami étranger. Mon fils s’étonne : « Il avait l’air gentil, c’est l’autre qui répondait mal ». Et bien, malgré l’apparente gentillesse de l’ami, il n'écoutait pas ou pas bien. « Comment ça? » Je comprends bien que mon fils ne comprenne pas car en apparence tout avait l’air paisible mais rien n’était paisible dans leur conversation.
Alors après lui avoir demandé s’il voulait bien que je fasse ma psy, je prends des exemples pour illustrer mon intuition professionnelle. Quand l’irrité explique à son ami touriste qu'il ne pourra pas venir avec lui parce qu'il a mal, celui-ci répond que ce n'est pas grave, que le plus important c'est qu'il prenne soin de lui. Lorsqu'il dit, je vous rejoindrai après mon rendez-vous médical, l'autre acquiesce avec un super ! Vous n’y voyez rien de mal non plus. Et bien pourtant, à chaque fois que le français exprimait son mal être, l'étranger ne s'emparait pas du sujet, il bottait en touche, il évitait.
A aucun moment, il ne lui a adressé un : je suis désolée ça doit être dur pour toi (attitude d’interprétation) ou je vois que tu es préoccupé et tu as l’air d’avoir vraiment très mal (attitude de compréhension) ou c’est quoi comme type de rendez-vous médical ? Tu vas pouvoir te déplacer seul pour t’y rendre ? (attitude d’investigation). Toutes les tentatives pour l’homme de trouver de l’empathie, d’être rassuré, de pouvoir parler de ses inquiétudes étaient mises en échec. Un comportement qui inévitablement cause de l’agressivité et du ressentiment.
L’homme en visite reste sur ses besoins, son plaisir d’être ailleurs, son insouciance de vacances et il refuse le contact inconfortable avec la souffrance de son ami. Il ne le fait pas méchamment ou peut-être pas consciemment. Ici aussi on peut imaginer plusieurs choses. Il ne s’attache pas à en savoir plus a) par pudeur b) pour essayer de changer de sujet et ne pas mettre davantage le focus sur le problème c) parce qu’il repart dans deux jours et qu’il ne voit pas ce que ça va changer de s’en occuper d) parce que la plainte est habituelle chez son ami qu’il connait bien….
Vous êtes intéressé.e d'en apprendre plus sur l'écoute active, je propose la formation "Le pouvoir de l'écoute active, écouter au-delà des mots" à l'Institut Champ-G (Lille) les 29 et 30 novembre 2025. Renseignez-vous ! https://www.champg.com/wp-content/uploads/2025/04/FP-C1-2025-Le-pouvoir-de-lecoute-active.pdf
Comments